Exhibition shots © Rebecca Fanuele
« Aubaine et présage »
Raymond Hains, à propos du « bleu » d’Yves Klein ou des « rayures » de Daniel Buren, évoquait un retour, sur le territoire de l’art de la fin du XXe siècle, de ce droit d’aubaine qui autorisait un suzerain, au Moyen-Âge, à s’approprier en toute légalité les biens d’un étranger mort sur ses terres (l’« aubain », c’était, autrefois, l’étranger). Dans un monde finissant, désenchanté, l’artiste n’aurait plus eu qu’à décréter « ceci est à moi » pour que sa signature fût, de facto, apposée sur le bleu du ciel, le tissu de décoration standard à bandes de 8,7 cm alternativement blanches et colorées, les affiches lacérées… Il est assez tentant d’imaginer que Nathalie Talec s’inscrit, depuis trente ans, dans cette tradition de l’appropriation d’un fragment du bien commun : le froid, et tous ses attributs dans l’imagination populaire, la neige, le givre, les animaux et les contes du Grand Nord, les merveilleuses lunettes d’ivoire des peuples qu’on appelait autrefois Esquimaux — trente ans demeurant une pure estimation, puisqu’il est arrivé à Nathalie Talec de projeter un film de famille la montrant à l’âge de huit ans se jetant dans la neige, comme une princesse héritière très tôt consciente de la principauté qui devait lui échoir. […]
— Didier Semin
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